Hé oui. Vous nous voyez venir là hein? Effectivement aujourd'hui on va se parler. Se parler franchement. Dans le respect et en toute politesse bien sûr. Mais on va se parler. Au risque de se faire traiter de casseuses de party ou de réactionnaires, on va se parler. Parce qu'il faut en parler. Pis ça presse.
Premièrement, on espère que vous allez toutes et tous bien. Le gros de la pandémie semble finalement derrière nous, un début de retour à la "normale" voit enfin le jour, et on vous cachera pas qu'on en profite beaucoup en ce moment. Par contre, avec le retour des concerts, et des festivals, et en dépit du fait que cela nous fait déborder de joie à l'idée de se retrouver enfin devant une scène à encourager des artistes locaux, nous sommes forcées de constater qu'il reste encore beaucoup de travail à faire au sujet de la parité sur scène. En fait, on nous met carrément en pleine face la raison du pourquoi nous ne pouvons nous permettre de prendre de vacances dans notre lutte. Parce que oui – même si cela pourrait être qualifié de mission a priori – quand on constate l'état des choses, après plusieurs années et campagnes de sensibilisation, par maintes personnes et organisations, on n'a pas le choix de qualifier ça de combat.
Un combat contre qui? L'industrie? Une bonne partie oui. La machine? Clairement elle nous fait rager. L'omerta? Oh oui elle existe. Le patriarcat? Ah ! Notre adversaire de toujours. C'est un peu tout ça en fait. Par contre on n'est pas là pour vous parler de "l'ennemi" aujourd'hui, mais bien pour vous rappeler les raisons de notre combat, qui sont à l'origine même de notre existence.
Les Insoumises ont toujours eu un seul objectif principal. Faire la promotion des femmes et des artistes non-binaires dans la scène punk et underground. Donc par le fait même, promouvoir la place de ces artistes dans notre belle scène locale. Parce que oui on parle de plein de groupes à travers le monde, mais ce qu'on connaît le mieux, c'est notre chez nous. Des dizaines et des dizaines de groupes, qui comptes des femmes ou artistes non-binaires dans leur rang. Des artistes qu'on supporte de tout notre cœur. Des artistes avec qui on a échangé, une fois, plusieurs fois, en ligne, en personne, autour d'une bière, accoté sur une van ou dans un salon. Des artistes qui roulent leur bosse depuis très longtemps, d'autre qui sont émergentes, mais qui sont déjà populaires dans nos cœurs. Des artistes que l'on veut voir partout, là où l'opportunité de se produire est offerte à un(e) artiste.
C'est pourquoi, en dépit de toutes les raisons du monde, quand on voit apparaître la programmation d'un festival local qui ne présente absolument aucune femme, comment vous dire...
Ça a tout l'effet d'une claque en pleine face.
Une claque pour tout le travail qu'on fait ici, qui a déjà été commencé par plusieurs autres personnes et organismes avant nous.
Et soyons clair. Nous ne pointons personne en particulier du doigt. Nous n'aurions pas assez de doigts..
Avant de continuer on va vous laisser consulter ces affiches, gracieuseté de Musique Bleue, qui se défini comme un mouvement de solidarité qui encourage à écouter et soutenir la musique québécoise, et qui est présentement en mission pour remettre en question le statu quo dans l'industrie musicale au Québec et dénoncer les pratiques actuelles, les inactions volontaires et les injustices que tous ces éléments engendrent. La première version de chaque affiche est l'originale, et la seconde est la même affiche mais avec les artistes féminines seulement.
Visiblement, même en dehors de la scène punk, les choses ne se passent pas très bien. Pourtant en 2018 le projet Keychange, nous promettait à travers 45 festivals, dont 4 canadiens, la parité pour 2022. À cette époque au Québec, seulement le festival électronique québécois Mutek avait fait une sortie à ce sujet « pour lutter contre la discrimination et accroître la participation féminine dans les domaines des arts numériques et de la musique électronique ». Auparavant en 2017, 135 femmes provenant de l'industrie musicale au Québec ont formé le regroupement Femmes En Musique (FEM), pour dénoncer le sexisme et les injustices qu'elles subissent régulièrement au travail. Evenko, qui fait la promotion de tous les plus gros et moyen spectacles de punk à Montréal, au travers de '77 Montréal, nous rappelait aussi que la diversité et l'inclusion des genres sont au cœur de la création de leurs grilles de programmation. Honnêtement, on a jamais été déçu avec le festival '77 Montréal.
Musique Bleue nous précise son constat sur la situation, après avoir observer le tout, de très près:
« Le FEQ, le Festivent, Jonquière en musique, M4C, le Festival de Thetford, Osisko en Lumière, Le festival des mongolfières de Gatineau, Trois-Rivières en Blues, Envol et macadame, Les festival country de Gatineau, La traversée du Lac Mégantic, Les grandes fêtes Telus de Rimouski et Le festibière de Hull comportent tous moins de 30% de femmes dans leur programmation musicale cet été. Quelques-uns aucune. Plusieurs moins de 15%.
Ça veut donc dire que moins de 30% des cachets de ces festivals sont payés à des artistes féminines, leurs bookeurs, leur gérance, leurs bands et leur personnel technique.
La situation est la même d'année en année.
Tous ces festivals reçoivent l'appui de fonds publics des gouvernements du Québec et du Canada. La plupart sont aussi financés par Loto-Québec, Hydro Québec ou la SAQ. Les autres le sont aussi par Bell, Cogeco, Telus, Rio Tinto, Promutuelle Assurances, Quebecor, Videotron ou Desjardins.
Chez Hydro Québec, Loto Québec et Desjardins on demande aux festivals qu'ils commanditent d'avoir une politique d'inclusion et de diversité. Personne ne vérifie si ces politiques sont appliquées. Les festivals sont chargés de s'auto-réguler.
La très grande majorité des labels, des bookeurs, des maisons de gérance et des éditeurs de la province sont loin d'être paritaires et reçoivent tous du financement sous une forme ou une autre des gouvernements du Québec et du Canada. »
Ce qui nous amène à l'éléphant dans la pièce (et ses commanditaires, dont la Ville de Sainte-Thérèse, et Solotech)
Mettons quelque chose au clair ici. Nous avons beaucoup de respect pour l'équipe derrière l'organisation du festival Music 4 Cancer, et nous soutenons leur cause bien entendu. Nous ne cherchons à attaquer personne. Ceci n'est pas une chasse aux sorcières.
Ce sont nous les sorcières.
Pourquoi on se parle aujourd'hui, c'est que l'annonce de leur programmation 2021, nous démontre qu'il reste encore du travail à faire. Du travail de conscientisation et d'éducation. Qu'un festival ait ses raisons pour en arriver avec une programmation qui n'inclut aucune femme, cela les regarde. Les disponibilités? On comprend ça. Le cachet? Il reste moins cher que celui d'un homme malheureusement. La popularité? Celle là on l'a sur le cœur, on vous le cachera pas. Y'a plein de groupes qui ont juste besoin de ça, d'une chance d'exploser sur une de vos scènes pour devenir "populaire".
Ce qui nous amène à l'éducation. On en connaît des groupes. On collabore avec le webzine Punkanormal Activity depuis 3 ans pour vous parler à chaque année, pour la Journée Des Droits Des Femmes, de dizaines et dizaines de groupes punk locaux qui sont mené ou entièrement composés de femmes ou artistes non-binaire. On sort régulièrement des nouvelles sur leur activités à travers nos pages Facebook et Instagram. On partage leur vidéos, on fait des entrevues avec elles. On a une playlist Spotify entièrement dédiée à elles. Nous travaillons depuis plus d'un an à devenir une ressource pour n'importe qui qui souhaiterait être orienté sur qui écouter, ou qui contacter, si la diversité leur tient à cœur.
On mord pas tsé. Au contraire, on veut s'entraider.
Cela dit, nous restons de bonne foi. Le festival reste en mesure de rectifier le tir grâce à sa clause "et beaucoup plus!". Nous apprécions aussi le fait que certaines personne ont, comme nous, tout de suite été abasourdi à la vue d'une programmation entièrement masculine. Par contre, nous aurions espéré en entendre plus.
Oui toi. Toi qui dit supporter la diversité. Toi qui dit que notre belle scène punk est tellement inclusive. Ben c'était là le moment de lever le bras et dire "euh me semble que y'a un problème ici".
C'est notre responsabilité à tous et à toutes. La diversité et l'inclusivité de notre scène est notre responsabilité à chacun et chacune d'entre nous. Et dans quelques années on va pouvoir arrêter de dire que y'a juste le Pouzza qui a pris un vrai virage inclusif. On pourra regarder les autres festivals punk (on regarde dans votre direction le Red Bridge Fest...) et dire qu'on est fière de l'évolution de notre scène.
On va pouvoir amener notre fille à votre festival, et il y aura des femmes sur scène, pour lui montrer qu'elle aussi un jour, pourrait se retrouver là, à gueuler comme les hommes, dire des vulgarités pis foutre le bordel.
Voilà.
C'était pas si pire non?
Prenez soin de vous.
- Les Insoumises
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